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A Monsieur Prévost,
seigneur de Morsan, président pour
le Roy en sa cour de Parlement.
Vous sçavez,
Monsieur, les plaintes ordinaires qu'on
faict de renchérissement de toutes
choses : les assemb-
lées qu'on a faictes par tous les
quartiers de ceste ville
pour y donner ordre : la peine qu'on a
prise à sçavoir
d'où procédoit telle charté
: à laquelle messieurs du Menil
et du Faur advocats du Roy, que nature
semble avoir
consacrez au bien public, se sont efforcez
de remédier.
Enfin monsieur de Malestroit, homme qui
méritoit bien
que un plus grand que moy luy fist response,
employé
en cest affaire par commandement du Roy,
a publié un
petit livret de paradoxes, où il
soustient contre l'opinion
de tout le monde que rien n'est enchéri
depuis trois cens
ans. Ce qu'il a faict croyre à
plusieurs, et par ce moyen
appaisé les plaintes de beaucoup
d'hommes. Mais ces
iours passez ayant leu son discours, le
me suis advisé
de luy respondre lin mot pour eclarcir
et faire entendre
ce point qui est de grande conséquence
à tous en général,
et à chacun en particulier : à
la charge, s'il vous plaist,
que vous serez arbitre d'honneur, m'asseurant
que Monsieur
de Malestroit en sera d'accord. Car pour
bien juger un
paradoxe, ou bien une opinion contraire
à la commune,
il fault un juge tel que vous à
qui nature a donné l'esprit
clair et le jugement si entier, qu'il
est mal aisé entre cent
mil d'en trouver un pareil. Ce que je
ne mets point entre
voz louanges pour estre un don de nature,
mais bien
d'estre acompli d'un sçavoir gentil
et libéral : d'avoir
une si grande expérience des afaires
d'estat qui vous
sont en telle recommendation, que un chacun
sçait que
vous avez long temps a oublié les
vostres : combien que
c'est mal parlé à moy :
car celuy ne peut oublier le parti-
culier qui gouverne si sagement le public,
comme vous
avez monstre aux plus grandes charges
de la République,
et sus tout au gouvernement de Provence,
qui rend un
perpétuel tesmoignage, que la prudence
et dextérité
incroyable dont vous avez usé pour
manier ce peuple
farouche, en un temps si périlleux
avec une sévérité entre-
meslée de douceur, mérite
de gouverner non pas une pro-
vince, mais un royaume : ce qui m'asseure
au cas qui
s'offre, non seulement que vous donnerez
certain jugement
de ceste question, ains aussi que vous
sçaurez bien trouver
les moyens de remédier à
la charte, que nous voyons, en ce
qu'il sera possible à l'esprit
humain de pouvoir prudemment
adviser, meurement entreprendre, et heureusement
exé-
cuter.